Facteur humain et culture sécurité

Eduardo Blanco-Muñoz est préventeur pratiquant. Depuis plus de vingt ans, il exerce des fonctions en hygiène, sécurité et environnement (HSE) ainsi qu’en amélioration continue. Issu d’une formation scientifique réalisée entre l’Espagne, le Royaume-Uni et la France, titulaire d’un master en sciences de l’environnement et d’un DESS en génie de l’environnement, il est ingénieur en gestion des risques.

Après un début de carrière sur le terrain, dans le domaine de la chimie et sur des sites classés Seveso « seuil haut », il a ensuite occupé des postes de management puis de direction dans différents groupes internationaux dans les secteurs de l’optique, de l’énergie, de l’aéronautique, de la logistique, des transports, du BTP et du génie civil. Intrigué puis passionné par le rôle de l’humain dans la santé et la sécurité au travail, il a enseigné la sécurité comportementale à l’université Sorbonne Paris Nord et est l’auteur de plusieurs articles sur le sujet dans le magazine Techniques de l’Ingénieur.

Pour en savoir plus, découvrez l'article "Culture sécurité : comprendre l'humain au coeur de la prévention des risques" paru le 9 février 2024 dans Inforisque à l'occasion de la sortie du livre.

Pour en savoir plus, la présentation du livre parue dans Face au Risque n° 599 en février 2024.

Pour quelles raisons avez-vous écrit ce livre ?

Comme la plupart des préventeurs et autres professionnels du HSE, j’ai commencé ma carrière en m’intéressant principalement aux dimensions réglementaire, technique et organisationnelle de la santé et la sécurité au travail. Le paradigme dominant dans la profession était qu’il fallait identifier et mettre en place les best available technologies et définir des procédures et consignes appropriées, et que le reste suivait.

Mais très vite, j’ai été confronté au « problème des comportements » face auquel, sans formation spécifique dans les sciences humaines, je n’avais pas de mode d’emploi. Mon parcours initial en sciences de l’environnement m’avait donné une certaine vision analytique et systémique que j’ai transposée à ces défis, ainsi qu’une curiosité qui m’a poussé à explorer ces sujets. J’ai passé beaucoup de temps à chercher des informations et des exemples dans l’industrie et dans la bibliographie, tout en les testant progressivement et de façon empirique.

Après le lancement en 2012 de mon premier programme pour le développement d’une culture sécurité à l’échelle d’un grand groupe dont j’étais le directeur HSE, j’ai été régulièrement invité à le présenter lors de conférences en France et à l’étranger. Puis j’ai eu l’occasion d’enseigner ces thématiques en master 2 à l’université Sorbonne Paris Nord, et d’écrire plusieurs articles dans des journaux scientifiques et des ouvrages collectifs.

Au bout d'un certain temps, je me suis dit que j’avais de quoi écrire un livre et, surtout, j’ai ressenti l’envie de partager cette vision.

À qui cet ouvrage s’adresse-t-il ?

Comme je l’indique dans mon avant-propos, ce livre s’adresse aux leaders en sécurité et à tous ceux qui ont l’ambition de le devenir. Cela inclut évidemment les préventeurs et autres responsables HSE, les ergonomes et le personnel des services de santé au travail, tout comme celles et ceux faisant des études dans ces domaines. Mais pas seulement.

Ce livre devrait également intéresser les managers, les responsables d’équipe et d’entité, les directeurs et, plus généralement, tout encadrant qui serait confronté au défi de la gestion de l’humain dans des contextes opérationnels où les risques en santé et sécurité représentent un enjeu et qui chercherait des clés pour faire progresser la culture sécurité dans son périmètre.

Pour pouvoir apporter le bon niveau d’information et de connaissance à chacun, ce livre se décline en plusieurs niveaux de lecture, notamment au moyen de boîtes à outils et d’encarts présentant des informations plus détaillées ainsi que des références plus fouillées sur chacun des sujets abordés.

Pourriez-vous le résumer en quelques mots ?

Le livre commence par remettre l’humain à sa place en tant qu’élément central dans un système sociotechnique qu’il construit, qu’il gère et dans lequel il travaille. Ensuite, on démarre l’étude de ces rôles, dans lesquels il va être confronté à l’incertitude, à la complexité, à l’ambiguïté et à l’erreur, en dévoilant les limites de l’humain pour y faire face.

Une première série de limites concerne le fonctionnement de notre cerveau et des phénomènes comme la perception, l’attention, la mémoire et les automatismes. On pense en général avoir une très bonne maîtrise de son environnement et de ses gestes, mais on a aujourd’hui un corpus de recherche qui démontre notre faillibilité dans ces domaines, que j’ai illustrée avec des exemples concrets appliqués à la prévention.

Sur la base de cette compréhension, on continue ensuite vers les limites de notre logique, en étudiant nos biais cognitifs, nos raccourcis mentaux et, plus largement, l’imperfection de notre jugement. Je fais un focus sur ce qu’on appelle couramment l’intelligence émotionnelle, dont on a tous entendu parler, mais qui mérite d’être mieux comprise pour pouvoir espérer influencer efficacement l’humain au travail.

Ce n’est qu’après avoir décortiqué ce facteur humain au niveau de l’individu que j’aborde le collectif et donc la dimension organisationnelle et culturelle. Je souligne le rôle clé du leadership pour que le groupe puisse évoluer dans le sens souhaité. On peut ainsi faire le lien entre comportements individuels et culture organisationnelle par le biais des valeurs et des croyances partagées ainsi que par les techniques de travail et les pratiques de management, tous ces éléments s’alimentant les uns les autres.

Une bonne raison de le lire ?

La bonne compréhension de toutes ces facettes et de la manière dont elles s’articulent au travail permettra au leader en sécurité de jouer son rôle de la façon la plus efficace. Je pense que ce livre offre une bonne synthèse de l’état de l’art dans les différentes disciplines pertinentes, mais aussi une vision originale, holistique et surtout pratique.

J’ai en effet tenu à apporter des outils, des illustrations, des tests et des anecdotes qui, je l'espère, permettront au lecteur d’approcher le facteur humain et la culture de la sécurité de façon claire et ludique.

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